AdM soutient la mobilisation citoyenne contre l'accord de libre échange UE - Inde
Le 5 octobre dernier, à Bruxelles puis à Delhi, de nombreuses organisations de citoyens se sont mobilisées pour
dénoncer les négociations en cours entre l'Union Européenne et l'Inde qui visent à conclure un accord de libre échange (ALE). Outre le caractère très opaque de ces négociations qui écartent les
citoyens des discussions et évitent ainsi toutes formes de remise en cause, ce sont avant tout les conséquences de ce type d'accords sur les populations qui sont dénoncées.
Plus de libéralisme, plus de commerce : mais pour quels objectifs ?
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Extension et renforcement des Droits de propriété intellectuelle au delà de ce qu’exige
actuellement l’OMC. Des clauses de TRIPS+ (ADPIC+) comme l’exclusivité des données, l’extension des brevets, des mesures de protection frontalière auraient de graves conséquences sur la
capacité de l’Inde à fournir des médicaments à prix abordable pour le traitement du SIDA, de la malaria ou du cancer, non seulement pur des patients indiens, mais à l’échelle planétaire ; elles
augmenteraient la faim et la malnutrition en interdisant aux petits paysans de se servir de leurs semences et de partager leurs connaissances. Elles seraient dnc une menace direct pour la
survie de la population, son accès à la nourriture, aux soins de santé, à l’enseignement et à la recherche.
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Un meilleur accès au marché indien pour les entreprises européennes va livrer
les paysans, les pêcheurs, les vendeurs de rue et les petites entreprises locales à une concurrence insoutenable et conduire à des pertes d’emplois et de revenus sans précédent. De plus, la
réduction des accises entraînerait une perte conséquente pour l’état indien et donc un risque accru de réductions des dépenses publiques, notamment dans le secteur de l’enseignement, des soins
de santé et de la sécurité alimentaire.
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Une libéralisation accrue des investissements empêcherait l’état de protéger ses entreprises
locales, de créer des emplois et de soutenir des secteurs vulnérables de la société, surtout en temps de crise. L’accès à des ressources aussi essentiels que la terre, l’eau et la richesse du
biotope est compromis, ce qui menace la survie de millions d’individus. Ainsi les petits boutiquiers et les vendeurs de rue indiens se verraient éjectés du marché si les géants européens de la
grande distribution entraient dans la danse. Des clauses de protection des investisseurs et de règlement des différends entre investisseur et état donneraient aux transnationales le droit de
s’opposer au gouvernement indien et à l’UE sur toute mesure qui entrave leurs profits.
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Une libéralisation accrues des services financiers aurait des conséquences néfastes pour les
prêts à des secteurs désavantagés comme les petits paysans et les petites entreprises et entraînerait une baisse spectaculaire des services et du crédit en zone rurale. De plus, la
libéralisation du secteur financier réduirait l’espace de manoeuvre du gouvernement s’il veut réagir aux crises financières et déstabiliserait davantage le système financier.
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L’ouverture des marchés publics sape le rôle que doit jouer l’état dans la promotion de l’équité
et de la justice sociale par un soutien à la production locale, aux PME, aux régions et aux groupes marginalisés.
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La recherche effrénée d’accès aux matières premières, notamment par l’interdiction de taxes à
l’exportation et autres restrictions, saperait les droits des gouvernements de réglementer l’utilisation des matières premières et des ressources naturelles dans l’intérêt de la population ;
elle exacerberait les déplacements de population et donc la lutte de celles-ci pur que soient reconnus leurs droits à leur habitat et ce qu’ils y produisent.
L’absence de transparence, de débat public et de tout processus démocratique autour des négociations et
l’accès privilégié accordés aux représentants de la grande industrie est très préjudiciable. A ce jour, les pourparlers ont lieu à huis clos, sans publication de textes ou de positions
de négociation. Les demandes d’accès à de l’information substantielle formulées en Inde et dans l’UE par les parlementaires, des gouvernements locaux et les citoyens ont été ignorées alors que le
grand capital a lui un accès privilégié aux décideurs, ce qui leur permet de dicter les termes de cet accord de libre échange. Les stratégies commerciales de l’UE comme de l’Inde, orientées vers
l’exportation et dominées par les grandes entreprises, sont vouées à l’échec. Elles donnent la priorité aux intérêts du capital et à la maximisation des bénéfices par rapport aux droits des
peuples et à leur survie.
Artisans du Monde : vecteur d'information citoyenne
En tant qu'organisation de commerce équitable, nous, Artisans du Monde, nous joignons avec force à la centaine
d’organisations du monde entier pour dénoncer le caractère non seulement injuste mais aussi l'absence de transparence de ces négociations : qui est au courant aujourd'hui de ces négociations
?!
Parce que nous sommes une organisation d'éducation populaire, nous participerons ainsi à faire connaitre auprès de
nos clients et sympathisants les avancées et les conséquences de ces accords de libre échange.
Artisans du Monde participe à l'appel international
Les accords bilatéraux négociés dans le cadre général du projet européen « Global Europe », montrent une nouvelle
fois, à quel point la stratégie commerciale portée par l'Union européenne s'appuie avant tout sur la recherche du profit, de la rentabilité maximale et fait peu de cas du développement humain, du
respect de l'environnement et de la réduction des inégalités.
En tant qu'organisation de commerce équitable, qui travaillons chaque jour avec nos partenaires producteurs à
l'établissement d'un commerce plus juste et plus durable fondé sur l'équité et le respect, nous ne pouvons que dénoncer ces négociations aux cotés des organisations de la société civile indienne
et européenne.
Aussi comme nous l'avons fait pour les accords UE-ACP (Afrique caraïbe Pacifique) en 2006-2007, puis lors du sommet
alternatif des peuples à Madrid en mai 2010, Artisans du Monde relaie cet appel :
"NOUS DEMANDONS DONC UN ARRÊT IMMEDIAT DES NEGOCIATIONS POUR L’ALE ENTRE L’INDE ET L’UE TANT QUE LES
EXIGENCES SUIVANTES N’ONT PAS ETE RENCONTREES:
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Ne pas empiéter sur l’espace de manoeuvre et la capacité de réglementer des états en vue de créer des
politiques économiques et sociales qui servent les plus vulnérables parmi la population et d’intervenir sur les marchés dans l’intérêt public.
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Cesser d’accélérer une déréglementation qui augmente la concentration des marchés tout en empêchant
l’accès aux biens publics et aux services essentiels.
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En finir avec l’accès privilégié des grandes entreprises à l’élaboration de politiques commerciales entre
l’Inde et l’UE.
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Assurer la transparence, le débat public et un processus démocratique dans l’élaboration de politique
commerciale entre l’UE et l’Inde : publier toutes les informations disponibles dont les textes à négocier et mener de larges consultations avec les groupes les plus affectés en Inde et en
Europe (syndicalistes, paysans, vendeurs de rue, femmes, dalit, adivasi et autres organisations populaires, y compris les coopératives.
Face à un accord de libre échange tourné vers les grandes entreprises élaborer des
alternatives favorables au développement qui donnent priorité à la justice sociale, environnementale et sexuelle, à la souveraineté alimentaire et une vie décente pour chacun. Ces approche
alternative soutient des relations pacifiques, soutenables et équitables entre pays et régions au lieu promouvoir la concurrence et un nivellement vers le bas en termes de salaires et de
conditions de travail."